Interview avec Timea Balajcza: C'est difficile, mais cela vaut la peine de le faire

 

“C'est difficile, mais cela vaut la peine de le faire”

Originaire de Hongrie, Timea Balajcza a grandi en France et depuis 19 ans, elle vit en Pologne. Il y a encore quelques années dans le secteur financier avec 12 marchés européens à sa charge, aujourd'hui, elle gère le travail de 800 traducteurs dans le monde entier. L'agence de traduction BALAJCZA, qu'elle a fondée en 2010, réalise des traductions dans toutes les combinaisons linguistiques.

Dans ce dernier entretien de toute la série d'interviews, elle partage ses expériences concernant la démission d'un emploi régulier à temps plein ainsi que la fondation et la gestion de sa propre entreprise.

Iza Wiertel interviewe la femme née à l'époque des frontières fermées, qui – du jour au lendemain – est arrivée dans un monde multiculturel et multilingue.

Mentorat et démission

IW : Dans l'interview précédente, tu nous as parlé de la motivation pour te mettre à ton propre compte. Comment - pas après pas - l'agence de traductions spécialisées BALAJCZA, a-t-elle vu le jour?

TB : Quand j'ai décidé d'ouvrir l'agence de traductions, j'ai engagé le premier employé. C'était au juste le 15 mars 2010. À cette époque-là, je n'avais pas encore renoncé au travail dans la corporation. D'autant plus que les préparatifs ont duré trois, quatre mois, donc, ma présence au bureau n’était pas si nécessaire. J'ai travaillé sur deux fronts : toujours dans la corporation, mais tout en restant en contact avec mon employée. J'ai travaillé le soir, le matin et les week-ends - et ainsi jusqu'à novembre. Depuis septembre, j'étais vraiment débordée, vu le poste que j'occupais dans la finance. C'était le moment d'élaborer le budget, alors le travail ne manquait pas. De plus, l'agence a commencé ses activités. En juin, nous avons mis en marche notre site et les premiers clients se sont manifestés en juillet et les suivants en septembre. J'ai trouvé que je n'étais plus en mesure de me consacrer à deux emplois en même temps.  Alors, en novembre, j'ai participé au programme Vital Voices - c'est un programme de mentorat pour femmes. J'en parle, car il m'a beaucoup aidée à prendre mes décisions. Dans le cadre du programme, j'ai travaillé avec une femme mentor, mais j'ai également passé deux semaines avec les autres participantes comme moi, c'est-à-dire les mentorées.  Outre quelques filles – qui travaillaient dans des corporations et elles ne voulaient rien changer – la plupart des participantes étaient des filles qui, bien qu'elles aient travaillé dans des corporations, ont déjà créé leurs entreprises et travaillaient à leur propre compte. Elles m'ont motivée en disant : « Tu dois franchir le cap. C'est difficile, car il n'y a pas de stabilité financière, mais cela vaut la peine de le faire ». Une fois le programme achevé, j'ai donné ma démission et ce encore en novembre.

IW : Pourquoi as-tu décidé de participer à ce programme?

TB : Quelqu'un m'a convaincue. Je fais partie de l'association PWNet et la personne – qui était alors la chef – a commencé à organiser le programme Vital Voices. C'était le début du programme en Pologne. Il avait été créé aux USA par Hillary Clinton et Madeleine Albright.  Cette personne m'a dit que je devais y participer, d’autant plus que j'avais déjà mon entreprise, que – plus tôt ou plus tard – je me mettrais à mon compte et que le programme pouvait m'aider. C'est ainsi que j'ai décidé de le suivre.

Clients étrangers

IW : À présent, tu gères le travail de 800 traducteurs dans le monde entier. Est-ce que des tournants particuliers ont marqué les dernières années du développement de ton entreprise?

TB : En fait, c'est plutôt graduellement - moi après mois, année après année – que nous sommes parvenus à augmenter le chiffre d'affaires. Embaucher une nouvelle personne était tel un jalon, puisque la première année, nous n'étions que deux. Un événement important était également le fait que des clients étrangers ont commencé à nous contacter directement. Au début, parmi nos clients comptaient uniquement des filiales polonaises des entreprises étrangères. Et là, un changement radical – des clients américains, français, espagnoles, luxembourgeois et hongrois.

Réunions du conseil de famille

IW : Comment peut-on imaginer la structure de ton entreprise? Il y a des traducteurs, il y a un bureau... Peux-tu la décrire brièvement?

TB : C'est une entreprise familiale – mon mari et moi, nous sommes à ses commandes. Mais au quotidien, c'est moi qui suis en charge du bureau. Mon mari me prête son soutien quant à de nouvelles idées, aux finances, aux règlements et à la stratégie. Ensemble, nous discutons de la direction dans laquelle se dirige notre entreprise.

IW : Vous avez des réunions du conseil?

TB : Oui. Avec Iwona, qui travaille avec nous dès le début et qui est chargée du service à la clientèle, nous discutons des résultats mensuels. À cette occasion, nous résumons également notre situation, nous parlons des clients et des étapes suivantes. En revenant à la structure – à présent, nous avons une personne responsable du service client, une personne chargée de l'administration, des paiements et de la facturation et une autre qui assure le fonctionnement du bureau – elle s'occupe de l'approvisionnement, de la correspondance, etc. Autrement, au début de l'année, nous avons engagé une fille qui aide Iwona dans son travail au service de nos clients. Outre cette structure dans le bureau, nous collaborons avec des traducteurs externes. Nous les enregistrons dans notre base, après une sélection rigoureuse – le formulaire en ligne sur notre site n'est qu'une exigence parmi d'autres. Ensuite, le candidat doit nous faire parvenir son CV, ses références, remplir un questionnaire et présenter un échantillon de traduction. Alors ne figure pas dans notre base chaque personne qui remplit le formulaire. Nous testons ses compétences. Cependant, ceci ne suffit pas. Il nous est déjà arrivé qu'un traducteur ait bien traduit un texte exemplaire tandis que sa première traduction, vérifiée avant d'être rendue au client, s'est avérée insatisfaisante. Il se peut que certaines personnes nous envoient des échantillons préparés par quelqu'un d'autre et elles comptent être admises tout de même. Donc, nous devons le contrôler en permanence.

Commandes inhabituelles

IW : Comment l'agence de traductions BALAJCZA fonctionne-t-elle au quotidien? Un client appelle, il demande une traduction – qu'est-ce qui se passe ensuite?

TB : Il appelle ou il envoie un courriel. Aujourd'hui, plus nombreux sont ceux qui écrivent. Il envoie une demande et nous sélectionnons tout de suite un traducteur qui garantira la meilleure qualité. Nous n'envoyons pas la commande à n'importe quel traducteur. Bien souvent, nous disposons des traducteurs qui correspondent parfaitement au profil, à la combinaison linguistique et à la spécialisation. Cependant, avant d'élaborer un devis pour le client, nous nous assurons si le traducteur choisi sera en mesure de réaliser le projet. Une fois le traducteur est réservé, nous procédons au devis. Tout se passe très rapidement – entre 10, 15 voire 20 minutes au maximum. Nous transmettons le devis au client et nous attendons sa décision – l'acceptation du coût et du délai.

IW : Te souviens-tu de la commande la plus atypique – une combinaison linguistique inhabituelle ou une traduction à réaliser en trente minutes?

TB : Il en existe différentes. Ce dernier temps, nous avons eu un client qui, un après-midi, a pris contact avec nous pour commander une traduction expresse de 12 pages, qui devait être prête pour le jour même. Nous nous sommes adressé à nos traducteurs de confiance et il s'est révélé que personne ne pourrait préparer la traduction dans le délai demandé. Alors, nous avons informé le client que la traduction serait prête pour le lendemain matin. Il a accepté, mais il a cependant ajouté qu'il travaillait toujours sur la version finale du document. Après 18 heures, quand ma collègue est déjà sortie du bureau, j'ai reçu non un fichier mais deux, quelque chose de complètement différent et 50 pages au lieu de 12. Finalement, nous sommes parvenus à accomplir cette tâche. Une autre commande inhabituelle a consisté à traduire en 28 langues des conditions de service d'une boutique en ligne. À plusieurs reprises, des clients ont demandé des traductions assermentées de l'arabe ou l’hindi vers le polonais. Une expérience intéressante a été une traduction consécutive pour un groupe de femmes d'Ukraine et de Russie, car les exigences envers le traducteur étaient très précises – il a fallu trouver un homme qui ait jusqu’à 35 ans et qui soit beau (nous avons dû présenter des photos). Nous avons plaisanté au bureau, que ce n'était pas une commande de traduction, mais un casting pour traducteur. En revenant aux langues, l'ourdou a été la langue la plus inhabituelle. L'un de nos clients est l'entreprise de recouvrement des dettes qui aide des investisseurs polonais opérant dans des pays un peu plus exotiques. Quand ses clients n'arrivent pas à récupérer leur argent, cette entreprise entre sur scène et c'est à ce moment-là qu'elle a besoin d'une personne parlant la langue locale. Cette commande était dans un sens un défi pour nous, car le client n'avait pas besoin de traduction écrite. Il cherchait une personne qui pourrait venir dans son bureau pour passer un appel téléphonique ou écrire un courriel.

IW : Avez-vous réussi à trouver une telle personne?

TB : Oui, nous avons réussi. C'est un homme qui travaille à l'université et pour cette raison, nous avons également un traducteur de l'ourdou.

Je ne suis pas traductrice, je suis économiste.

IW : Dans l'interview précédente, tu as mentionné que pendant tes études, tu faisais des traductions. Est-ce qu'il t'arrive encore de traduire, par exemple dans des situations d'urgence?

TB : À vrai dire, non. Avant, je faisais des traductions, mais seulement pour gagner de l'expérience et pour travailler un peu en été. Je ne peux pas dire qu'avant j'étais traductrice et qu’ensuite, j'ai changé de métier. Je suis économiste. J'ai étudié les finances et je dirais même que la traduction n'a jamais été ma passion. Les langues sont ma véritable passion. En revanche, traduire est un travail bien difficile. Il arrive parfois que mes amis m'envoient un texte rédigé par exemple en hongrois pour que je le traduise. Et moi, avant tout, je n'ai pas trop envie, car parfois je pense que je ne connais pas assez bien le polonais et j'ai pu oublier certains mots hongrois. Deuxièmement, si je le demande à l'un de nos traducteurs, alors il le ferra, disons en trente minutes, tandis que moi, j'ai besoin d'une heure pour réfléchir seulement, comment le traduire. Les gens pensent souvent que si l'on connait une langue, on peut traduire et ce n'est pas du tout comme ça. Il faut une certaine pratique et de l'expérience. Si quelqu'un le fait en permanence, il le fait bien – comme dans chaque profession.

IW : Ton agence de traductions appartient à differentes chambres de commerce, elle parraine différents événements et se livre à des œuvres de charité. Combien de temps consacres-tu à la représentation de l'entreprise à l'extérieur?

TB : Je participe très souvent à des réunions. Nous appartenons à trois chambres – française, scandinave et suisse. Ce sont des chambres très actives qui organisent beaucoup de réunions. Au fait, certains pensent que si l'entreprise adhère à une chambre, elle acquerra automatiquement des contacts et des clients. Ce n'est pas le cas. Tout simplement, les chambres favorisent les rencontres et le réseautage. Le développement de mon entreprise consiste plutôt à la représenter et à en parler, et non à recourir à une publicité payante. Je dirais que presque tous les jours, j'ai des rendez-vous. Parfois même deux en une journée – le matin, un petit déjeuner d'affaires et le soir, une réception ou un rendez-vous réseautage. Je pense que les rendez-vous en dehors du bureau me prennent 3-4 heures par jour. De plus, je consacre beaucoup de temps aux réseaux sociaux. Je rédige entre autres nos lettres de fans que nous envoyons à des personnes intéressées par les langues étrangères.

Faits saillants

IW : En effet, tu communiques bien souvent ce qui se passe chez BALAJCZA. En résumant l'activité courante de l'entreprise, te souviens-tu des événements particulièrement importants ou intéressants?

TB : Nous mettons souvent nos prestations d'interprétariat à disposition durant des conférences. Nous fournissons également du matériel professionnel. Je pense que l'événement le plus prestigieux que nous avons desservi, et ce pour la deuxième année consécutive, c'est la conférence Warsaw Economic Hub, organisée par la Bourse de Varsovie. Elle est tenue justement en novembre, décembre et elle réunit des gens du monde politique et économique. Nous assurons les traductions dans trois salles. Alors, nous devons fournir trois ensembles d'équipements et assurer trois paires de traducteurs. La conférence est très prestigieuse – elle rassemble parfois 400 et même 500 personnes. Quant aux événements d'autres types, je peux mentionner les réunions du Club des amoureux du zoo de Varsovie, que j'aime bien. De temps en temps, il y a des réunions auxquelles je peux inviter nos clients. Notre dernier anniversaire a également été tenu au zoo. Nos convives ont eu l'occasion de le visiter. Les clients, qui ont pu venir, nous ont félicité cette idée.

À quoi consiste le réseautage?

IW : Pendant quatre ans, tu as créé ton propre réseau de contacts dans ton milieu professionnel, y compris ton équipe de traducteurs dans le monde entier, avec qui tu collabores. Tu sembles très douée en matière de réseautage. As-tu des conseils à donner à ceux qui commencent seulement à développer leurs entreprises?

TB : Je ne me considère pas comme championne de réseautage. Cependant, il existe des endroits et des personnes qui pratiquent le réseautage professionnel pour ainsi dire. Je ne l'aime pas beaucoup, car ceci consiste à collecter, par exemple pendant une heure, le plus grand nombre de cartes de visite. Je pense que ce n'est pas le but en soi. À mon avis, dans le réseautage il ne s'agit pas de collectionner des cartes de visite pour avoir une grande base de contacts sous Exel pour ne plus savoir qui c'est, où j'ai rencontré cette personne et ce qu'elle fait au juste. Voici mon conseil – discuter avec une ou deux personnes, mais discuter correctement – pour se souvenir de cette personne et pour qu'elle se souvienne de nous. Et une autre chose que beaucoup de gens oublient – ne pas parler de soi, mais écouter l'autre personne, poser des questions et parler de soi et de son entreprise uniquement lorsque l'interlocuteur demande. Cela peut sembler trivial, mais souvent les gens ne parlent que d'eux-mêmes. Tout le monde le préfère. Mais si l'on veut établir de nouveaux contacts et faire connaissance avec des gens qui apprécient la discussion avec nous et qui se souviendront de nous, il faut impérativement savoir questionner et écouter.

Évaluation de l'environnement

IW : Bien que nous en parlions dans notre prochaine interview, je te demanderai tout de même de dire, comment tu perçois ton environnement professionnel – c'est-à-dire les clients et les partenaires en Pologne?

TB : J'ai mon opinion à ce sujet, mais je ne suis pas sûre qu’elle puisse faire référence à tout le marché. D'autant plus que chaque bureau de traductions propose un autre niveau de service, adopte une autre approche aux clients et à la réalisation des commandes. En me fondant sur mon expérience, je peux dire que la situation ne cesse de s'améliorer en ce qui concerne les contacts avec les clients et leur fidélité. Au début, il était difficile d'établir des contacts, d'obtenir la première commande. Je sentais également une pression de la part des entreprises pour que nos tarifs baissent. Nous ne sommes pas le bureau le moins cher, mais nous misons sur la qualité. Alors, nous devons en quelque sorte assurer cette qualité. Au début, les entreprises recherchaient les services les moins chers possibles. Quand je rencontrais certaines personnes, elles me disaient qu’elles économisaient en traduisant les documents par leurs propres moyens. Alors, j'essayais de leur expliquer que cela coûtait tout de même, car l'assistante chargée de la traduction négligeait ses devoirs. Depuis un an, peut-être un an et demi, je constate que les entreprises, avec lesquelles nous travaillons, apprécient avant tout la qualité. Elles savent aussi qu'une traduction, qui coûtera deux zlotys moins cher, ne sera peut-être pas meilleure. Elles apprécient également le fait que pour les clients fidèles, pour qui nous réalisons régulièrement des traductions, nous élaborons par exemple des dictionnaires ou des glossaires avec les termes utilisés par ce client. Un tel glossaire est à chaque fois transmis au traducteur chargé d'une commande particulière, ce qui permet d’assurer la plus haute qualité de nos prestations. Je suis donc heureuse de la direction dans laquelle se dirige notre entreprise.

Avenir de l'entreprise

IW : Et en parlant de la direction – peux-tu nous dévoiler tes plans concernant l'avenir? Opteras-tu pour la croissance ou pour l'élargissement du nombre de spécialisations? Quelle sera la situation de l'agence de traductions BALAJCZA dans l'avenir?

TB : Mes objectifs pour l'année prochaine consistent à embaucher des personnes supplémentaires pour vérifier les traductions, une personne pour s'occuper de l'administration et un représentant commercial. Le représentant commercial aurait pour rôle de m'aider ou de me remplacer pendant des rencontres de réseautage. Je compte bien développer les activités sur le marché polonais et j’ai besoin d'une personne pour me soutenir. Le second axe, c'est le développement sur le marché étranger. Comme je l'ai dit, nous avons de nombreux clients étrangers qui commandent des traductions directement chez nous. Le marché français et anglais se distingue davantage et c'est là-bas que nous apercevons un potentiel. Donc, je veux ouvrir un bureau – un centre d'assistance en quelque sorte – pour soutenir les clients actuels et en acquérir d'autres.

 

Data publikacji: 2015-03-31 09:18:01

 

12 ANS

D'EXPERIENCE SUR LE MARCHÉ

 

1800

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plus de 16 000 000

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150

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10 000

PARTICIPANTS DE CONFERENCES SERVIS

70

ENSEIGNANTS

40

ENSEIGNANTS NATIFS


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RÉFÉRENCES ÉCRITES

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