Interview avec Timea Balajcza: À l'époque, il n'y avait pas de globalisation

 

"À l'époque, il n'y avait pas de globalisation"

Timea Balajcza - originaire de Hongrie - elle a grandi en France et, depuis 19 ans, elle vit en Pologne. Il y a quelques années, elle travaillait dans le secteur financier et coordonnait 12 marchés européens. Aujourd'hui, elle gère une équipe de 1000 traducteurs dans le monde entier. Le bureau de traductions spécialisées BALAJCZA, qu'elle a fondé en 2010, réalise des traductions dans toutes les combinaisons linguistiques.

Dans l'interview d'aujourd'hui, elle fait la réminiscence du travail de traducteur avant l'avènement de l'Internet et elle parle des possibilités proposées par le marché de traductions, dans le monde moderne et globalisé.

Iza Wiertel interviewe la femme née à l'époque des frontières fermées, qui – du jour au lendemain – est arrivée dans un monde multiculturel et multilingue.

"Je le faire pour eux, parce qu'ils m'apprécient"

IW : Notre entretien d'aujourd'hui - consacré au marché de traductions - je voudrais commencer en parlant des gens qui façonnent ce marché, à savoir les traducteurs. Récemment, tu as informé via ton site internet que tu déployais un programme de récompense pour les meilleurs collaborateurs de ton bureau. Pourrais-tu en parler davantage ?

TB : Mon bureau existe depuis 5 ans et ce dernier temps, je suis arrivée à la conclusion que nous faisions beaucoup pour les clients - en leur proposant différentes récompenses, actions et rabais - et que nous ne faisions rien pour nos traducteurs. D'où l'idée de mettre en place un classement et de récompenser les meilleurs traducteurs, en fonction des résultats de leur travail durant l'année précédente et compte tenu de divers critères. L'un des objectifs consistait à récompenser les traducteurs, le deuxième à les fidéliser, même s'ils exercent leur métier en indépendant. D'habitude, les entreprises font un geste envers leurs salariés, tandis que nos collaborateurs ne sont pas nos employés. Ils travaillent également pour la concurrence. Il arrive que le traducteur reçoive une demande de traduction de notre part et des autres agences. Il doit trancher, sachant que le tarif proposé est identique. Je voudrais que, dans tels moments, le sentiment à l’égard de BALAJCZA prenne le dessus : « Je le ferai pour eux, car je les aime bien et ils m'apprécient ».

IW : Avez-vous déjà récompensé les premiers traducteurs ?

TB : Oui, en nous fondant sur les résultats de l'année 2014, nous avons sélectionné 20 traducteurs. Nous avons pris en considération le nombre des traductions réalisées, leur qualité, la ponctualité et l'évaluation générale de la collaboration. En plus, trois traducteurs ont été récompensés pour leur excellente collaboration. Ce sont mes collègues dans le bureau, qui se sont prononcées à ce sujet - un traducteur serein qui est toujours prêt à accepter une traduction et l'effectuera en bonne et due forme.

IW : Est-ce que la remise des prix a été un événement officiel ?

TB : À l'occasion du cinquième anniversaire de notre agence, nous avons organisé une fête pour les traducteurs à laquelle nous avons invité les personnes récompensées. C'est le premier événement interactif de ce genre - il a eu lieu dans un centre de bowling à Varsovie et il a été suivi d'un atelier consacré à la gestion du temps. Des formations internes sont généralement dispensées par des entreprises et des corporations. Je voulais que mes collaborateurs puissent également en bénéficier. Le sujet s'est révélé très utile. Après les ateliers de deux heures, les participants ont été conviés au déjeuner sous forme de buffet, ensuite ils ont joué au bowling. La remise des récompenses a couronné le tout.

Des disquettes jusqu'à la globalisation

IW : D'après mes renseignements, tu collabores avec plus de mille traducteurs dans le monde. Comment as-tu eu l'idée de chercher les traducteurs à l'etranger ? Est-ce une nouvelle tendance que tu observes également chez les autres ? Bref, est-ce que selon toi le marché de traductions est en train de se globaliser ?

TB : Il est certain qu'il se globalise. À titre de juxtaposition, je vais donner un exemple. À l'époque où je travaillais dans la corporation et j'ai accouché de mes jumelles, je suis restée sept mois à la maison. Je m'ennuyais terriblement, alors j'ai décidé de me lancer en traductions en hongrois. C'était en 1998. Dans un annuaire, j'ai trouvé un bureau de traduction localisé au centre-ville et j’ai téléphoné. Ils m'ont répondu qu'ils allaient me contacter en cas où il y avait une traduction pour moi. Et quand il y a eu une traduction, on m'a appelée pour dire que les documents avaient été transmis par télécopie et que je vienne les chercher. J'ai pris les enfants et je suis allée en voiture au bureau pour récupérer le facsimilé. J'avais en effet un ordinateur chez moi, mais l'Internet n'existait pas. Alors, j'ai dû sauvegarder la traduction sur une disquette. Et rebelote, j'ai pris les enfants, je suis allée au centre pour rendre la disquette. À cette époque-là, il n'y avait pas de question de globalisation, car le traducteur ne pouvait rester ni à l'étranger ni même dans une autre ville. À présent, ces contraintes se sont estompées.

Nous avons commencé à collaborer avec des traducteurs à l'étranger, car nous mettons un accent particulier pour que les traductions soient réalisées par un locuteur natif ou au moins par une personne très expérimentée dans la langue-cible. Nous recourons souvent au service de traducteurs étrangers, même s'il s'agit d'un Polonais installé en France depuis de nombreuses années. Nous travaillons également avec des étrangers : Espagnols en Espagne, Anglais en Angleterre. Nous avons beaucoup de clients étrangers qui ont déjà eu recours à nos prestations suite à une recommandation - il s'agissait plutôt des traductions vers le polonais. J'espère qu'ils ont apprécié notre travail, or nous réalisons des traductions d'une langue étrangère à l'autre - p.ex. de l'anglais vers le français ou l'allemand, de l'espagnol vers le français, etc. Souvent, en Pologne, il n'y a pas de traducteurs compétents aptes à réaliser ce type de traductions, alors nous les cherchons à l'étranger. Le cas échéant, il se peut que le traducteur ne parle même pas polonais.

Quant au nombre de nos traducteurs, il y en a plus de mille. Ce n'est pas notre objectif que ce chiffre augmente en permanence. Le nombre de traducteurs accroît en fonction des besoins. Je ne suis pas sûre si, dans les autres bureaux, la situation est comparable. Il est rare qu'une agence propose des traductions dans toutes les langues, dans toutes les paires linguistiques et dans toutes les industries.

IW : Comment - selon toi - fonctionne ce marché ? Est-ce que les autres bureaux collaborent avec des traducteurs étrangers et ils réalisent des traductions pour des clients étrangers ?

TB : D'après moi, sur le marché, il existe un grand nombre de bureaux, mais dans la plupart des cas, ce sont des bureaux unipersonnels. Il y a parmi eux des traducteurs qui travaillent pour nous. Il existe un certain nombre de bureaux de taille moyenne qui embauchent des salariés, mais très souvent ils n'opèrent que sur le marché polonais. Même parmi les grandes agences, rares sont celles qui se lancent à l'étranger. Certaines d'entre elles ont ouvert leurs filiales, mais ce sont des cas ponctuels. Pour le moment, nous n'avons pas de succursale à l'étranger, mais nous comptant en ouvrir une, dans l'un des pays occidentaux.

IW : Revenons au marché polonais. On dit qu'il est compétitif en raison des prix pratiqués. Est-ce que l'on peut dire la même chose du secteur de traductions ?

TB : Je pense que oui. Les clients étrangers s'adressent à nous non parce qu'ils aiment la Pologne, mais parce que les prix sont moins élevés qu'ailleurs. Face à la crise mondiale, les entreprises cherchent des économies. Ils recherchent des prestations à bas prix, mais ils exigent également la qualité. S'ils n'obtiennent pas ce qu'ils veulent, ils renoncent.

Est-ce que les associations professionnelles ont un sens?

IW : Dans les actualités publiées sur ton site, tu as écrit récemment que votre bureau allait soutenir une fondation rassemblant des traducteurs et leur proposant des formations. Penses-tu que les associations sectorielles, les sociétés des traducteurs jouent un rôle important dans le secteur de traductions ?

TB : À présent, je ne vois pas de raison particulière pour que de tels organismes fonctionnent. Nous souhaitons soutenir cette fondation, car je veux aider les traducteurs qui y adhérent, leur donner quelque chose, les fidéliser avec notre entreprise. Il existe cependant une association des agences de traduction, mais je pense que ce genre d’organisation sectorielle joue un rôle important quand il faut recourir au lobbying, quand il faut un plus grand élan combatif. Il est possible de l'observer dans le secteur énergétique. Le secteur de traductions, quant à lui, se caractérise par une très forte concurrence entre les bureaux.

Des problèmes de prix

IW : Ne penses-tu quand pas qu'il faudrait un lobbying dans certaines questions ? Est-ce que dans le secteur de traductions il n'y a pas de problèmes qui n'ont pas été résolus, réglementés ?

TB : Il existe une question, mais je ne sais pas à quel point il est possible de la régler. Il s'agit notamment du dumping - des prix très bas pratiqués par certains bureaux. C'est un problème épineux et il n'est pas question de créer un monopole ou d’instaurer des avantages. Mais il faudrait quand même des limites. J'observe un phénomène intéressant chez les traducteurs d'une langue très rare. Ils ne sont que quelques-uns sur le marché et ils proposent tous des tarifs similaires. Je pense que c'est bien, car quand quelqu'un pratique un prix inférieur, même si la qualité de sa prestation est moindre, cela affecte le marché entier. C'est justement le cas de la Pologne où l'on propose de nombreux rabais et les prix ne cessent de baisser. Les clients nous disent souvent que la concurrence leur miroite des tarifs inférieurs par rapport aux tarifs que nous proposons à nos traducteurs. Il s'agit soit des personnes qui acceptent volontairement de travailler pour un tarif très faible, soit des traducteurs qui - sous la pression du bureau et sous la menace de rompre la collaboration - se résignent à travailler pour un tel tarif. En fin de compte, c'est le traducteur qui perd puisqu'il consacrera son temps sans être rémunéré à la juste valeur. Le bureau - au pire des cas - gagnera un peu moins. Peut-être ma notion est naïve, mais selon moi le marché polonais de traductions est régi par la loi de la jungle.

IW : Il me semble que seuls les traducteurs spécialisés ont une chance de survivre, car ils travaillent relativement vite.

TB : Oui. Certaines agences sont capables de négocier un meilleur prix avec leur client ou de réduire leur marge pour proposer un meilleur tarif à ces traducteurs. Elles savent qu'ils mèneront à bien le travail confié. Très souvent, les bureaux ne le font pas et ils embauchent des étudiants ou des stagiaires qui travaillent gratuitement. Ainsi, ils proposent les services au prix coûtant.

L'humain contre la machine

IW : Comment perçois-tu l'avenir du marché de traductions, non seulement dans le contexte des étudiants et des stagiaires, mais aussi face aux nouvelles technologies qui sont de plus en plus pointues ? Cela ne t’inquiète pas un peu ? Ou penses-tu que la traduction effectuée par l'homme perdurera ?

TB : Je crois qu'elle perdurera. Pourtant, les technologies représentent une menace pour les traducteurs. Nous aussi, nous utilisons des logiciels CAT (en anglais Computer-assisted translation - traduction assistée par ordinateur, IW), mais d'une façon limitée. Nous avons eu des clients qui nous ont confié la traduction des modes d'emploi très similaires. Dans un tel cas, il est possible de baisser le coût. Et c'est ici que je vois le danger pour le marché - les entreprises peuvent choisir les bureaux qui proposent des traductions automatiques pour traduire - disons - une partie d’un texte. Le client paiera alors moitié prix pour la relecture et moitié prix pour la traduction. Ainsi, il optimisera au maximum les frais. Il n'est pas possible de traduire automatiquement des documents hautement spécialisés comme rapports financiers, contrats importants, brevets techniques dont la traduction propose l'agence BALAJCZA. Ceci est possible en cas de textes répétitifs comme les modes d'emploi, dont je viens de parler - des descriptions ou des fiches produits. Heureusement, ce n'est pas une concurrence pour nous. Le client, qui nous confie la traduction de son rapport financier, ne choisira pas un autre bureau qui lui propose une traduction automatique et le prix plus bas.

Une future d'innovation

IW : Tu proposes une large gamme de services de traduction et d'interprétariat. As-tu en tête une nouvelle prestation, penses-tu lancer de nouveaux produits ?

TB : En effet, mais pour le moment je ne peux pas en parler. Je peux dire que nous allons solliciter un financement européen pour mettre en place des services dits intelligents.

IW : Alors, j’ai hâte de découvrir cette innovation. Une dernière question - existe-il un client ou une institution avec qui tu n'as pas encore travaillé et avec qui tu voudrais collaborer ? Par exemple, le Parlement Européen, l'OTAN ou l'ONU ?

TB : En effet, à Bruxelles, les possibilités sont nombreuses, car il y a plusieurs langues et une multitude de documents à traduire. Je pense que beaucoup de bureaux de traduction rêvent de pouvoir travailler pour Bruxelles ou d'une façon plus ou moins liée au Parlement Européen.

IW : Alors, je te souhaite une telle commande qu'il s'agisse des prestations actuelles ou du nouveau service intelligent que – et je l’espère – nous allons découvrir bientôt. Merci pour l'entretien !

TB : Merci.

 

 

Data publikacji: 2015-07-07 07:28:13

 

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